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PAUL VERLAINE

qu’en apparence qu’ils lui lâchent la bride sur le cou. Ils retiennent et dirigent leur pensée. Ils se doutent que ce qu’ils écrivent n’est pas pour le seul confident qu’indique la suscription de la lettre. Prévoyants, ils habillent leurs phrases, avec l’arrière-pensée qu’un jour elles sortiront du tiroir intime et seront présentées dans le monde.

Rien de pareil chez Verlaine. Il écrit à la va-comme-je-te-pousse, sans souci du tiers et du quart, ne s’adressant qu’à l’ami auquel il se confie. Il ne soupçonne guère l’imprimerie future. Il a le décousu et le franc-parler de celui qui n’écrit pas pour le public. De là, des négligences, des incorrections sans nombre. Aucun souci de style dans cette correspondance brève, hachée, nerveuse, et même parsemée de jurons, d’épithètes et de termes si crus, que l’on ne pourrait publier, dans leur intégralité, ces lettres colorées. Cette familiarité, cette sincérité, qui donne tant de prix autographique et confessionnel à la correspondance de Verlaine, se retrouve dans les fragments de lettres déjà publiés par MM. Émile Blémont et Cazals, comme dans celles qu’on va lire ici.

Verlaine a peu correspondu. D’abord, ses relations n’étaient pas nombreuses. Dans les dernières années de sa vie, ses séjours dans les hôpitaux, ses déambulations au Quartier Latin, ne comportaient pas d’échange épistolaire. Après sa fuite de la maison conjugale, il évita de donner de ses nouvelles, et, durant sa détention à Mons, comme en ses divers séjours, en qualité de professeur, en Angleterre et à Rethel, il demeura silencieux. Il se blottit dans ces trous provinciaux. Comme terré, il disparut ; une dérobade d’animal blessé.

À plusieurs reprises, il me recommanda de ne donner son adresse à personne. Il voulait même que ses lettres