Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/223

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semblait, non pas au type mongoloïde, comme on l’a dit, mais à un singe, et son originalité babouinesque ne pouvait inspirer à une femme rencontrée qu’un sentiment d’éloignement, de répugnance, peut-être d’effroi et de dégoût. Si j’insiste sur ces particularités physiques, c’est que la critique, et aussi la philosophie et l’histoire, attachent trop peu d’importance à la vie sexuelle. Historiens, psychologues, moralistes dédaignent fâcheusement le rôle formidable du penchant génésique dans le drame humain.

Le pauvre garçon savait très bien l’effet repoussant qu’il produisait ; il plaisantait volontiers son « gueusard de physique », et il a jeté, au hasard du moment, sur des couvertures de cahiers, en marge de volumes, des silhouettes, des croquis et des dessins, où s’affirmait la notion qu’il avait de son manque d’avantages corporels. Il se montrait caricaturiste impitoyable de lui-même.

Aussi se sentait-il timide et gauche vis-à-vis des femmes. Il n’eut aucun de ces flirts ingénus, de ces intrigues charmantes de la vingtième année, qui sont souvent toute la poésie de ceux qui ne font pas de vers. On a vu, dans la lettre datée de Lécluse, septembre 1862, qu’il n’était pas sans attacher de l’intérêt à ces premiers contacts innocents avec le sexe joli. Il a noté la contredanse où il engagea la fille de l’instituteur, Mlle  Hiolle. Mais ce quadrille n’eut aucune suite. On ne le retint pas, après la danse, par un sourire, par une promesse de se revoir, et il s’éclipsa, morne, déçu, écartant de sa pensée la jeune personne qui ne témoignait aucun désir de se rapprocher de lui. Il se sentait séparé des femmes par un abîme, reclus pour qui jamais l’amour ne peut offrir une possibilité d’accès, une présomption de rencontre, sinon probable, du moins non inadmissible. On ne