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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/252

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cède la poésie personnelle, subjective, intime, ressentie, vécue, soufferte.

Ce n’est plus le Victor Hugo de la Légende des Siècles, mais le poète des Feuilles d’automne et celui des Contemplations, dont l’influence va désormais dominer. La transformation commencée, que les événements devaient achever, et qui, poursuivie dans une partie des Romances sans paroles, atteignit le but dans Sagesse, a été due aussi à la pénétration de certains poèmes personnels de Mme Desbordes-Valmore et de Sainte-Beuve, celui qui fut Joseph Delorme. Avec quelle admiration, Paul me citait des fragments de la pièce d’une délicatesse si intensive : « Toujours je la connus pensive et sérieuse… »

L’amour, le désir nuptial, la joie de se confesser, dans cette langue des vers qu’il possédait mieux que l’autre, la vulgaire, et avec laquelle il se sentait plus à l’aise, le poussèrent à ce changement de manière poétique. Ce fut comme une première conversion. Nous verrons par la suite se développer et se préciser la nouvelle formule du poète, qui alors fut plutôt instinctive, comme générée spontanément et issue des événements de sa vie, inspirée par les contingences de son aventure amoureuse. Cette mutation cérébrale fut d’abord un essai, une préparation ; elle explique la métamorphose proche de son intellectualité, jusqu’alors purement objective, au point de vue des sensations et des désirs affectifs.

À l’heure où le poète chantait la Bonne Chanson, heure inoubliable que nous avons presque tous connue, et dont pour nous l’artiste a précisé les délices, il abandonnait la formule impersonnelle, il gazouillait pour lui et pour elle, à la façon de l’oiseau des bois, musicien égoïste, et semblait se soucier seulement d’être écouté