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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/253

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de celle pour qui ses mélodies montaient, comme un jet d’eau, la nuit, parmi les marbres.

Quel admirable élan que ce retour sur lui-même, que cet appel enthousiaste à la Béatrix, qui doit le guider désormais, et l’entraîner hors des cercles de l’Enfer, où il se sentait précipité, déjà à demi englouti :


Puisque l’aube grandit, puisque voici l’aurore,
Puisqu’après m’avoir fui longtemps, l’espoir veut bien
Revoler devers moi qui l’appelle et l’implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,

C’en est fait, à présent, des funestes pensées,
C’en est fait des mauvais rêves, ah ! c’en est fait
Surtout de l’ironie et des lèvres pincées,
Et des mots où l’esprit sans l’âme triomphait !

Arrière aussi les poings crispés et la colère
À propos des méchants et des sots rencontrés ;
Arrière la rancune abominable ! Arrière
L’oubli qu’on cherche en des breuvages exécrés !…


Voilà un de ces cris à la Musset, le poète honni si violemment par lui, le dieu mort qu’on voulait projeter à bas de son autel d’argile, un de ces surhumains sanglots comme Verlaine en poussera, par la suite, de désespoir et de dégoût, et que lui arrachait alors le désir de cheminer heureux et calme dans le sentier paisible et régulier où l’entraînait « la compagne enfin trouvée ». Ce sont là des élans publics, qui prouvent la perturbation profonde et bienfaisante dont son âme était secouée, en ce printemps gros d’orages et lourd de tempêtes de la néfaste année 1870, l’année qui devait être dénommée Terrible, et qui, pour lui, au milieu du vacarme des artilleries et du fracas des empires se heurtant dans la boue sanglante, demeura l’année heureuse, l’année bénie, l’année excellente de la Bonne Chanson.