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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/267

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C’était, non pas chez lui, mais chez son beau-père, que Verlaine concédait ainsi la table et le logement à ce vagabond de lettres. M. Mauté était alors absent. Sa femme et la jeune Mme Verlaine, prévenues très favorablement sur le compte de cet hôte mystérieux, lui firent bon visage. On ne devait pas tarder à lui montrer grise mine, puis, par la suite, vinrent les poings irrités et les regards féroces.

La première impression fut d’ailleurs déconcertante. Verlaine, lui-même, tout disposé qu’il fût à l’enthousiasme pour l’auteur qualifié de génial des Assis et du Bateau ivre, ne put retenir un mouvement de déconvenue en apercevant un gamin, pâle, imberbe, maigrichon, là où il s’attendait à trouver un jeune homme fait.

La seconde impression ne fut guère meilleure, sauf chez Verlaine, de nouveau emballé ou suggestionné. On s’était mis à table, et Rimbaud mangeait goulûment, ne disait pas un mot, répondait d’un air ennuyé aux questions que les deux dames lui posaient sur son voyage, sur son existence à Charleville. Il ne daigna fournir aucune explication sur sa poétique et la genèse de ses vers à un invité, Charles Cros, qui le questionnait avec amabilité. La dernière bouchée avalée, Rimbaud prétexta la fatigue, alluma une pipe, et, après un « bonsoir », alla se coucher.

Il se montra aussi hirsute, aussi taciturne, aussi insociable, les jours suivants. Tant et si bien qu’on invita Verlaine à congédier son jeune protégé. M. Mauté allait revenir, et il n’aurait pas supporté la présence chez lui de ce garçon mal élevé et désagréable. Il fut convenu que Rimbaud irait loger chez des amis de Verlaine, en attendant les événements. Banville, entre