Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/275

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ordre et d’enchaînement ; c’est le triomphe de l’anacoluthe. On voit par là combien Arthur Rimbaud a été un précurseur !

Cette singulière introduction se terminait par une invocation, toute baudelairienne et proudhonienne, à Satan :


« Tu resteras hyène, etc. », se récrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. « Gagne la mort avec tous tes appétits et ton égoïsme et tous les péchés capitaux »…

Ah ! j’en ai trop pris ; mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée ! et, en attendant les quelques petites lâchetés en retard, vous qui aimez, dans l’écrivain, l’absence des facultés descriptives et instructives, je vous détache ces quelques hideux feuillets de mon carnet de damné.


Rimbaud, qui ne manquait pas d’une sommaire érudition, avait probablemant puisé cette satanique doctrine dans certains ouvrages de théologie, parlant de la secte des Lucifériens, qui existait au treizième siècle, en Allemagne. Ils adoraient le vaincu du ciel, l’ange déchu qui symbolisait l’humanité frappée, torturée et maudite par l’implacable divinité.

Ce romantique frontispice est suivi de courtes divagations en prose assez nerveuse et colorée, coupée de fragments poétiques. Les titres sont souvent diaboliques : Mauvais sang, Nuit de l’enfer, Délires, Vierge folle, l’Époux infernal, l’Alchimie du verbe, l’Impossible, l’Éclair, Matin, Adieu.

Dans Mauvais Sang, l’auteur commence ainsi :


J’ai de mes ancêtres gaulois l’œil bleu blanc, la cervelle étroite et la maladresse dans la lutte ; je trouve mon habillement aussi barbare que le leur. Mais je ne beurre pas ma chevelure.

Les Gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d’herbes les plus ineptes de leur temps.

D’eux, j’ai l’idolâtrie et l’amour du sacrilège. — Oh ! tous