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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/277

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baud. Et il raconte combien il aimait les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires, la littérature démodée, latin d’église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l’enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs, il dit comment il a inventé la couleur des voyelles : a noir, e blanc, i rouge, o bleu, u vert. « J’écrivais les silences des nuits, dit-il encore, je notais l’inexprimable, je fixais des vertiges. La vieillerie pratique avait une bonne part dans mon alchimie du verbe. J’expliquais des sophismes magiques avec l’hallucination des mots. »

Dans cette dernière formule se trouve toute la future école poétique saluée, prophétisée, fondée.

La destruction du livre Une Saison en enfer fut comme l’anéantissement de l’existence de poète d’Arthur Rimbaud. Après avoir définitivement rompu toutes relations, non seulement avec Paul Verlaine, — il refusa de suivre et même de recevoir le poète, qui, dès sa libération des prisons belges, avait été le retrouver à Stutgard, où il s’était retiré pour apprendre l’allemand, — mais encore avec ses anciens amis de Charleville et avec tout ce qui touchait au monde littéraire, Rimbaud commença une nouvelle vie d’aventures et de voyages. Le vagabond survivait en lui, si le poète était mort, volontairement tué. Faisant son apprentissage d’explorateur et de commerçant au loin, Rimbaud se mit à apprendre l’allemand, l’anglais, l’italien, le hollandais, le russe, le grec moderne et l’arabe. Il parcourut presque toute l’Europe, et exerça, pour vivre, les métiers les plus divers, et souvent les plus durs, les plus anti-littéraires : il fut successivement, comme un émigrant du nouveau monde, ouvrier, laboureur, professeur,