Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/310

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ces sans paroles, ici, dans un mois. Je compte sur toi pour réclames.

Amitiés, et écris-moi plus souvent.

Ton
P. Verlaine.

M’écrire ; Howland-Street, 34-35 (W) Londres.


Verlaine avait quitté précipitamment, et comme en cachette, la maison conjugale, ou plutôt beau-paternelle, devenue intenable. Il était parti, comme il l’a écrit à plusieurs reprises, nudus et pauper. Il avait donc laissé rue Nicolet, en sus du mobilier commun, un certain nombre d’objets tout à fait personnels, qu’il désirait récupérer. On a de ces attaches avec les choses. Souvenirs du cœur, objets familiers, bibelots qu’on est accoutumé à trouver sous le regard et sous la main, décor intime du home. Vraiment tout cet ensemble d’accessoires, souvent bien inutiles, et qui vous semblent pourtant nécessaires, tous ces bagages de l’existence qu’on s’est faite, ou qu’on a subie, prennent une place considérable dans les séparations. Ils accroissent la souffrance de la rupture et cuisent longtemps après que l’on a subi l’opération. Dans de nombreux procès entre époux en désaccord, dans les disjonctions de couples irrégulièrement liés, les revendications de ces menus biens prennent souvent autant d’importance, dans l’énoncé des griefs réciproques, que des répétitions et des réclamations d’un intérêt pécuniaire beaucoup plus grand.

C’est la privation de ces livres, de ces tableaux, de ces portraits, qui sans cesse sont autour de nous, dans ce qui est notre domicile provisoire ou durable, et qui semblent faire corps avec nous-mêmes, qui rend souvent le voyage pénible et attristant. Sans ces accessoires familiers, on se trouve désorbité, et l’on se préoccupe