Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/332

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Ce qu’il me faut, c’est, je ne dis pas une réconciliation — moi, je n’ai jamais été « fâché », — c’est un retour immédiat de ma femme à moi. Je lui ai tout récemment écrit dans ce sens, la prévenant que cette fois serait la dernière. J’attends sa réponse, et il est clair que si, d’ici à très peu de temps, elle ne me donne pas satisfaction, force me sera d’agir, car il serait trop bête de me brûler le sang et la vie dans une attente sous l’orme, aussi prolongée que cruelle.

J’ai tout dit, tout fait. Je suis venu ici, quittant Londres, et des espoirs d’y vivre bien, pour Elle. J’ai prié, raisonné, invoquant le bon sens, le cœur, jusqu’à l’amour maternel. On m’a répondu que « j’avais peur du procès, que c’était pour cela que je disais des choses affectueuses, qu’Elle n’avait pas peur du procès, parce qu’Elle le savait imperdable ».

Or, tu sais à propos de quoi cette seconde requête : exigence éconduite d’une pension amiable de 1200 fr., absolument comme tu sais que le motif de la première requête est le refus par moi d’une autorisation de résider un temps indéfini dans un Midi problématique.

Si donc tu vois madame Bertaux [Mme  Léon Bertaux statuaire], — va même la voir si tu peux, — et dis-lui, si elle doit voir ma femme, si elle le juge à propos, de faire ressortir aux yeux de cette égarée, toute la folie, toute l’impudeur et toute l’insouciance de l’avenir de son fils, et tout le malheur pour elle, pour moi, pour cet enfant, qu’impliquerait et que déterminerait la poursuite d’un acte aussi révoltant que ce sale et grotesque procès.

Madame Bertaux peut ajouter que, si l’on me désespère jusque-là, je suis déterminé à me défendre à outrance, et que moi aussi je crois le procès imperdable, et que néanmoins il me fait peur, parce que je sais que c’est le bonheur à nous deux qui va céder la place à toutes sortes de remords pour elle et de regrets pour moi. Voilà !

Toutefois, si tu vois mieux à faire, dis-le.

Ma santé est toute détraquée. Ah ! si j’avais seulement du bonheur du côté sentiment, comme mon côté tête irait bien.

Je fourmille d’idées de nouvelles, de vers, de projets vraiment beaux. J’ai fait un drame en prose, je te l’ai dit, Madame Aubin. — Un cocu sublime, pas à la manière de Jacques. Le mien est un moderne, extrêmement malin, et qui rendra