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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/392

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un dévot austère, je le crois : toute douceur envers autres, toute soumission à l’autre, tel est mon plan.

Bonne santé. Ton vieil et dévoué ami.

P. V.


L’emprisonnement subi en cellule eut certainement une influence sur les idées, sur les opinions, sur les objectifs mentaux de Verlaine. L’action ne fut peut-être pas si soudaine qu’il le dit, ni si définitive qu’il le crut.

La prison amena sa conversion et modifia son tempérament, non seulement d’homme, mais de poète. Voilà ce que Verlaine a lui-même déclaré, et ce qui est accepté généralement. Je ne crois pas que le changement, issu de la détention, ait été aussi violent que Verlaine l’ait indiqué, notamment dans son livre Mes Prisons, écrit longtemps après, et sous une inspiration toute autre.

Deux faits, deux modifications apparentes, frappent, à cette phase de la vie de Verlaine : il se convertit, il devient d’incrédule, sinon militant, du moins avéré, un croyant, et de non-pratiquant, un fervent catholique, presque un dévot. En même temps, une autre perturbation se manifeste : il modifie totalement sa poétique ; il cherche et acquiert une formule versifiée toute différente de celle qu’il pratiquait auparavant. Il abandonne à peu près définitivement la poésie objective, descriptive, impersonnelle, impassible, dont les principaux Parnassiens avaient préconisé la force et la supériorité, il devient poète personnel, subjectif, intime, passionné, ironique et sentimental. Il chante, non ce qu’il voit, mais les visions qu’il se donne, et son archet poétique prend pour violon son âme et son existence. Il en tire des sons douloureux et subtils, qui vont réveiller des échos endormis dans bien des cœurs blessés.