Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/401

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que chose de factice dans sa soudaineté. Le chemin de Damas que le poète rencontra dans sa cellule tient un peu du chemin de traverse. Verlaine le quittera dès qu’il pourra rejoindre la grande route du commun des hommes. Mais alors, seul, écrasé par les événements, tout meurtri de sa lutte conjugale, il s’y engagea, avec anxiété d’abord, puis avec espérance et même délices. Les circonstances changeant, il ne devait pas tarder à changer de voie. Beaucoup de personnes se convertissent ainsi au lit de mort, qui, revenues miraculeusement à la santé, à la force physique et mentale, ne persévèrent pas dans leurs croyances acquises in articulo mortis.

Verlaine redevenu libre, retrouvant ses compagnons, reprenant ses travaux et ses distractions accoutumées, ne devait pas, on le sait, conserver la ferveur du néophyte, et hors de la cellule de Mons, la foi devait s’évaporer, laissant seulement subsister le goût de la religiosité, décorative et poétique.

Il y eut un peu de la crise hystérique dans les manifestations qui suivirent sa conversion. Personne n’étant en tiers avec lui, en ces moments extatiques, il faut admettre son récit. J’estime qu’il l’a légèrement corsé en mystique adoration, par dilettantisme littéraire.

On avait accroché au mur de sa cellule, au-dessus du petit crucifix de cuivre réglementaire, la Belgique étant très pieuse administrativement et officiellement, une lithographie représentant le Sacré-Cœur, le cœur qui rayonne et qui saigne. La vision fixe et obstinée de cette image accéléra la conversion, et donna au sujet, admirablement préparé à cette sorte d’hypnose, comme dans les expériences de Braidisme, un point lumineux, attirant, dominateur, à fixer.