Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/425

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Il était de familles terriennes. Plusieurs de ses parents menaient la vie paysanne. Chaque fois qu’il en avait goûté, il avait paru ne plus vouloir manger d’autre pain que celui qu’on prépare de ses mains, après avoir semé le grain et récolté l’épi. « C’est la fête du blé, c’est la fête du pain ! » est un de ses cantiques non religieux. Il lui plut de tenter de vivre, à son tour, de l’existence qui avait fort bien réussi à ses aïeux, à ses proches.

Ce qui le décida peut-être fut un de ces élans, étranges, puissants, et souvent mal compris, puis fâcheusement interprétés, qui l’entraînaient vers une amitié. J’ai déjà expliqué les amitiés très vives, presque des passions, mais il faut entendre ce mot sans lui attacher aucun sens charnel, qu’il eut pour différents camarades, comme l’un de ses cousins Dujardin, puis pour Lucien Viotti, engagé volontaire avec moi, disparu dans la guerre de 1870. Inutile d’ajouter l’exemple d’Arthur Rimbaud.

La science et l’histoire ont déterminé le caractère purement cérébral, platonique, pour employer le terme vulgaire, de ces sentiments homo-sexuels. Les plus célèbres philosophes de l’antiquité témoignaient d’une affection, qui semblait dépasser l’ordinaire amitié, pour quelques-uns de leurs disciples. Platon a traité ce sujet d’une façon très explicite. Le Banquet de Phèdre et le Banquet de Xénophon exposent clairement l’origine et l’effet des sentiments que Socrate, dans la liberté du portique, éprouvait pour ses élèves. Il s’agissait, pour lui, surtout de propager son enseignement, de s’attacher des âmes, de dominer des esprits. Une communion psychique s’établissait entre le maître et le disciple. Tous les réformateurs, tous les fondateurs de religion, tous les prophètes, tous ceux qui ont voulu attirer à eux la jeunesse, exciter des vocations et se créer des parti-