Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/451

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grand journal littéraire, véritable précurseur d’autres feuilles à succès, auxquelles il servit de modèle et d’école. Il avait été fondé par Valentin Simond, et ne contenait qu’un court bulletin politique. C’était à cette époque une contestable innovation. On n’admettait pas qu’un journal pût vivre sans tartines polémiques. Des chroniques, des actualités documentées, du reportage, des portraits, des indiscrétions de coulisses, des contes et des romans de premier ordre (Le Réveil a publié, inédits, Sapho, d’Alphonse Daudet, les Sœurs Rondoli, de Guy de Maupassant, etc., etc.) firent de ce journal un organe original, intéressant, procédant de l’ancien Figaro de Villemessant et de l’Événement d’Aurélien Scholl, avec des visées plus artistiques et une moindre préoccupation des polémiques et des personnalités politiques. C’était une ingénieuse création. Le succès ne répondit pas à l’attente de son fondateur. C’était prématuré, un organe éclectique, et républicain sans violence. Il est souvent fâcheux de débuter, d’ouvrir. Le Réveil a essuyé les plâtres du journalisme littéraire et informateur. Il ne faut pas avoir raison trop tôt. Le vieux journalisme politique et didactique dominait encore. On était alors tout à la presse de polémique, de discussions parlementaires, de théories doctrinales et sociologiques, et l’on ne prévoyait guère, en dehors du quartier latin et de quelques cafés des boulevards, une clientèle pour une feuille presque exclusivement littéraire, où l’on s’occuperait des poètes, où l’on consacrerait des colonnes de première page à une représentation théâtrale, à la critique d’un livre, à l’explication d’un scandale mondain ou à l’analyse d’un drame judiciaire. Mais quelque temps après, le Gil Blas allait paraître, et son grand et rebondissant succès devait donner un durable démenti à cette assertion courante