Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/470

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ait eu le tort, dans un impulsif affolement, de le blesser d’une arme à feu, venait, en son honneur et en sa faveur, de tirer un joli coup de pistolet. C’était comme une réparation morale succédant à la dure expiation des prisons belges. Dans cette notice, il n’était fait nulle allusion aux événements tragiques qui avaient amené la séparation des deux amis. Aucune explication sur le départ de Rimbaud renonçant à la poésie, brûlant les exemplaires de sa Saison en enfer et détruisant ses manuscrits, pour s’en aller chercher fortune au delà des mers, et regarder des constellations nouvelles sous les tropiques.

Tristan Corbière était l’auteur, peu lu, aujourd’hui encore à peu près ignoré, des Amours jaunes. Sa biographie est insignifiante. Quelques citations de vers, plutôt curieux par l’agencement des rythmes que par la facture même, sur des sujets marins, dont les noyés, d’une belle couleur, que le poète montre sombrant avec leurs bottes, et roulant sans clous et sans sapin dans la houle soulevée comme un ventre amoureux, donne du piquant à cet assez fade portrait. Car Verlaine ne s’est pas donné la peine de nous tracer des traits reconnaissables de son modèle, si effacé, si peu représenté à nos yeux. Il nous apprend qu’il était breton et qu’il aimait la mer. C’est insuffisant comme renseignement. Il ne pouvait ainsi laisser une impression durable de ce poète non sans valeur, dont un vers étrange est resté, et restera, car il fut souvent ironiquement cité : « Son seul regret fut de n’être pas sa maîtresse », — épitaphe d’un incompris, et d’un inassouvi aussi.

Villiers de l’Isle-Adam fut plutôt un prosateur magnifique qu’un poète. Verlaine rend hommage justement à ses qualités dramatiques puissantes. Il cite une scène de son Nouveau-Monde, drame issu d’un con-