Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/469

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malédiction, sauf la douce, mélancolique et résignée Marceline Desbordes-Valmore, qui fait un peu l’effet, dans ce cénacle de lyriques farouches, d’une vierge tombée dans une maison de débauche. Les citations abondent. La louange, parfois hyperbolique, y supplée à la critique, et la personnalité verlainienne transperce à travers les silhouettes peu dessinées de Tristan Corbière, d’Arthur Rimbaud, de Villiers de l’Isle-Adam et de Stéphane Mallarmé.

L’intérêt principal de ces notices extra-louangeuses fut, pour les rares contemporains que ces curiosités poétiques attiraient, dans la production au grand jour de plusieurs pièces de vers d’Arthur Rimbaud, tenues jusque-là dans l’obscurité manuscrite des portefeuilles. On ne connaissait guère Rimbaud que de nom. Le souvenir qui restait de lui dans la mémoire de ceux qui l’avaient rencontré en compagnie de Verlaine, dix ans auparavant, était confus et peu sympathique. On n’avait guère retenu de ce gamin que des incartades, des attitudes hautaines, qu’aucun talent exceptionnel ne semblait justifier. Le mystère équivoque de la rixe de Bruxelles, avec la condamnation sévère qui avait suivi, dont les vrais motifs étaient ignorés, — on a lu plus haut, pour la première fois publiés, les considérants du jugement et de l’arrêt des tribunaux belges, remettant les faits au point exact, — enveloppait cette figure bizarre d’un halo de fort mauvais aloi. Rimbaud avait disparu. Nul ne se souciait de savoir ce qu’il était devenu. Les citations que donnait Verlaine furent comme une révélation. Le bizarre sonnet des Voyelles fut reproduit, commenté, raillé, admiré. Il eut les honneurs de la grande presse. Rimbaud devint, du jour au lendemain, célèbre dans un coin du Paris littéraire. Verlaine, en admettant qu’il