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manuscrit original, écrit au crayon, fut composé en 1862, Verlaine faisant sa rhétorique au lycée Bonaparte (Condorcet).

Beaucoup d’autres pièces de ce volume sont de l’époque des Poèmes Saturniens, et témoignent de l’inspiration, alors surtout objective et descriptive, de l’auteur du Philippe II et des Pertuisaniers opposant leurs piques aux lances de l’averse.

Parmi les sonnets de la partie du volume étiquetée Jadis, il s’en trouve de fort beaux, d’une plastique superbe et d’une philosophie sévère, comme le Squelette qui peut être rangé, dans la galerie des tableautins chefs-d’œuvre, à côté de la Barque de Don Juan, de Baudelaire ; il est d’autres courts et précis poèmes, purement descriptifs, rivalisant de fermeté avec les plus purs blocs sortis de la sculpturale maîtrise de Théophile Gautier et de Leconte de Lisle.

Voici un Été à comparer avec le célèbre Midi des Poèmes barbares :


Despotique, pesant, incolore, l’Été,
Comme un roi fainéant présidant un supplice,
S’étire par l’ardeur blanche du ciel complice
Et bâille. L’homme dort loin du travail quitté.

L’alouette du matin, lasse, n’a pas chanté.
Pas un nuage, pas un souffle, rien qui plisse
Ou ride cet azur implacablement lisse
Où le silence bout dans l’immobilité.

L’âpre engourdissement a gagné les cigales,
Et sur leur lit étroit de pierres inégales
Les ruisseaux, à moitié taris, ne sautent plus.

Une rotation incessante de moires
Lumineuses étend ses flux et ses reflux…
Des guêpes, çà et là, volent jaunes et noires.