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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/503

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Des vers descriptifs (la princesse Bérénice), humoristiques (Kaléidoscope, Dizain mil huit cent trente, le Pitre), réalistes (la Soupe du soir, Paysage, l’Aube à l’envers), composent avec des poèmes formant récit et légende (Crimen Amoris, La Grâce, l’Impénitence finale, Amoureuse du Diable), ce précieux et synthétique volume. Il résume toute la pensée et toute la production de Verlaine. La pièce des Vaincus, avec son souffle épique et sa fureur magistrale, est de la même inspiration tyrtéenne que l’Ode à Metz des dernières années. Ce poème, qui, en termes généraux et sans préciser ni les défaites, ni les victoires, est un hommage rendu aux victimes de la guerre civile, et comme un appel féroce à de futures représailles, a été composé à Londres, en 1872. Il se ressent du voisinage de Vermersch, le réfugié de la Commune, et c’est probablement à la suite d’une vibrante soirée passée avec celui-ci, à l’issue de sa conférence sur Blanqui, que Verlaine clamait, avec une âpreté hautaine ce cri de désespoir, rappelant la Mort du Loup d’Alfred de Vigny :


Et, nous, que la déroute a fait survivre, hélas !
Les pieds meurtris, les yeux troubles, la tête lourde,
Saignants, veules, fangeux, déshonorés et las,
Nous allons, étouffant mal une plainte sourde.

Nous allons au hasard du soir et du chemin,
Comme les meurtriers et comme les infâmes,
Veufs, orphelins, sans toit, ni fils, ni lendemain,
Aux lueurs des forêts familières en flammes.

Ah ! puisque notre sort est bien complet, qu’enfin
L’espoir est aboli, la défaite certaine,
Et que l’effort le plus énorme serait vain,
Et puisque c’en est fait, hélas ! de notre haine !