Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/561

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le meilleur de Paul Verlaine n’est pas là, immergé dans la terre grasse et lourde, entre les rangées de ces petits ifs frissonnants qu’il a chantés. C’est autour de son œuvre que le pèlerinage de la postérité doit s’accomplir, c’est devant le buste et le groupe du sculpteur Niederhausern, dressé sur le sol de la Ville de Paris, dans un coin de jardin public, que devra par la suite se célébrer le bout de l’an de Verlaine. Sauf la famille et quelques amis particuliers, le tombeau du cimetière des Batignolles ne recevra guère de visites. Le bout de l’an que nous célébrons aujourd’hui sur la tombe de famille sera, nous l’espérons bien, le dernier rendez-vous donné aux amis et admirateurs du poète dans le champ de repos. C’est parmi les vivants, au milieu de ces générations qui passent, et qui devront connaître son nom et admirer son œuvre, que nous nous réunirons pour glorifier Paul Verlaine.

L’an prochain, nous aurons sans doute inauguré le monument, et remercié les souscripteurs, au premier rang desquels il convient de citer et de féliciter M. Leygues, ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts, dont la souscription considérable, mille francs, va permettre de clôturer les opérations du comité, et d’ériger, sur un emplacement que la Ville ou le Ministère choisiront, ou octroieront avec générosité, la statue du poète. Ainsi, ses traits énergiques revivront pour la foule, soustraits, par la pérennité plastique, à l’effroyable destruction qui s’élabore dans le creuset fangeux des cimetières.

Ainsi devra se trouver terminée l’œuvre à laquelle se sont attachés les amis de Verlaine et ses admirateurs dévoués. L’entreprise n’aura pas été sans quelque difficulté. On s’est heurté à différents obstacles : la malencontreuse rivalité de l’éditeur Vanier voulant agir de son côté, et avoir une souscription et un monument, devenus une réclame pour sa maison, la publication fâcheuse et illicite de fragments non destinés à l’impression, improvisés par le poète en s’amusant, considérés simplement par lui comme des autographes satiriques ou plaisants, enfin des articles hostiles retentissants, ont pu faire craindre, un moment, l’ajournement indéfini du monument.

Le comité n’a heureusement jamais perdu confiance, il n’a jamais ralenti son activité. Son président, Stéphane Mallarmé, que nous avons eu le malheur de perdre si brusquement, n’a jamais douté du succès final. Ce comité a aujour-