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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/76

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PAUL VERLAINE

trouvait du charme. Il s’y plaisait beaucoup, surtout dans les premières années de sa vie. Il avait des goûts champêtres assez vifs. Il aimait à parcourir les champs de betteraves et de colzas, aspirant l’air du matin, se mouillant dans la rosée. Il prit même, un moment, goût à la chasse, et puis, après ces courses dans la campagne, avec quelle satisfaction il s’attablait au cabaret !

Il aimait tout de la vie du Nord : ces intérieurs chauds et enfumés que Van Ostade a peints ; la bière, l’horrible et aigrelette boisson flamande, qui ne ressemble en rien à la crémeuse bière de Bavière ; le genièvre, comme chasse-bière. Et puis, à l’estaminet, les grandes lampées de café noir suret, où la chicorée domine, ne lui déplaisaient pas non plus. Le tabac en abondance et à très bon marché, grâce aux contrebandiers, le régalait. Comme il en fumait, et comme il en cassait, de ces pipes en terre, brune ou rouge, surmontées d’un toupet de tabac, qu’on enflamme au couvet, le réchaud garni de cendres, où chacun vient avec précaution allumer et rallumer l’herbe à Nicot, toujours un peu humide en ces pays !

Dans le cabaret du village, il passait de longues heures, vêtu en paysan, attablé, les jambes étendues, dans l’attitude d’un personnage d’Adrien Brauwer, fumant et sirotant, avec abandon et satisfaction, des rations âcres de café mélangé d’eau-de-vie, ce qu’on nomme « la Bistouille ».

Il n’eut jamais aucune affinité méridionale. Il a déclaré qu’il n’aimait pas le soleil, que la clarté du plein midi l’étourdissait, l’écrasait. S’il a, d’ailleurs, beaucoup vagabondé, dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais, des Ardennes, dans le Luxembourg et le Brabant, en Angleterre aussi, et si, dans ses dernières années, il a poussé jusqu’en Hollande, je ne sache pas qu’il ait jamais