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PAUL VERLAINE

kespeare, Calderon, Lope de Véga, Goethe ; toutes sortes de publications sur la Révolution française et quelques romans anglais : Dombey et fils, David Copperfield, de Dickens, la Foire aux vanités, de Thackeray. Nous possédions assez bien toute la littérature classique, latine et française. Des auteurs secondaires, mais pittoresques et fantaisistes, comme Pétrus Borel et Aloysius Bertrand, le délicat imagier, dont il s’était procuré à Angers l’édition originale de Gaspard de la Nuit, enchantaient Verlaine. Son éducation littéraire personnelle, par réaction contre l’enseignement universitaire, était presque exclusivement romantique. On ne jurait, d’ailleurs, à cette époque, que par Hugo. L’exil ajoutait sa majesté à l’autorité du génie. On était plus hugolâtre en 1860 qu’après 1830. Les Contemplations nous semblaient la Bible même de la poésie. Malgré l’esprit de parti, on admirait moins les Châtiments, dont le souffle poétique dégénérait par trop souvent en grossière invective. Le théâtre de Victor Hugo, alors pour nous non joué, était considéré comme le dernier mot de l’art scénique. On conspuait Ponsard, Scribe, Émile Augier, Octave Feuillet, toute l’école dite du bon sens. Nous applaudissions aux violents réquisitoires d’Auguste Vacquerie contre tout ce qui n’était pas échevelé, violent, truculent, enthousiaste. C’est l’époque du Sonnet À Don Quichotte. Barbey d’Aurevilly, qui devait par la suite railler le Parnasse, et nous portraicturer individuellement sous des traits plutôt ridicules, nous enchantait, et, malgré les opinions rétrogrades qui y fanfaraient, ses articles du Pays étaient chaque semaine dévorés. Mais ses diatribes contre Victor Hugo, au fur et à mesure de l’apparition des volumes des Misérables, indignèrent. Nous les lui pardonnions, cependant, par égard pour tant