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PLAISIRS RUSTIQUES

d’autres critiques fortes, colorées, marquant les mauvais auteurs et les voleurs de renommée comme avec un fer rouge.

Verlaine était républicain, avec une certaine affinité vers les autoritaires et aussi vers les mystiques. Il admirait beaucoup Joseph de Maistre. Le Rouge et le Noir de Stendhal avait produit sur lui une forte impression. Il avait déniché, on ne sait où, une Vie de sainte Thérèse, qu’il lisait avec un ravissement que j’étais loin de partager. Il n’était cependant, alors, nullement croyant. S’il visitait assez fréquemment les églises, c’était en artiste, et pour les objets d’art qu’elles renfermaient, Saint-Séverin, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Sulpice, avec les deux superbes fresques d’Eugène Delacroix, recevaient plus spécialement ses hommages. Il se plut aussi, à cette époque, à entendre prêcher deux prédicateurs notoires : le père Monsabré et le père Minjard.

Les débuts littéraires de Verlaine, débuts devant le public sous la forme de l’impression, datent de 1866 [journal l’Art, et vers publiés dans le Hanneton], mais ses véritables essais remontent au moins à l’année 1860. Ce ne furent que des ébauches, des premiers jets informes, des tâtonnements et des phrases balbutiées d’enfant de lettres. De ces brouillons déchirés, brûlés, perdus, il ne reste rien. Verlaine n’avait pas conservé trace, ni même souvenir, de ces bégaiements poétiques. La première pièce de vers qu’il jugea digne, par la suite, d’être imprimée, est intitulée Nocturne Parisien. C’est un tableau pittoresque et synthétique de la Seine. Elle m’est dédiée et figure dans les Poèmes Saturniens. J’en garde précieusement l’original, ou du moins le texte mis au net sur papier à lettres bleuté, d’après le brouillon raturé, maculé d’encre, presque indé-