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2 NOTICE SUR MADAME

inspira quelques soupçons à l'hôtesse, vieille femme, pas méchante, mais assez bavarde, ce qui quelquefois revient au même. Cette étrangère ne prenait aucun de ses repas à l'hôtel, ne sortait qu’une fois par jour, de grand matin, restait dehors un quart d’heure environ, et opérait sa rentrée furtivement, et en évitant soigneusement d’être vue ou rencontrée par les gens de la maison ; le reste du jour, elle le passait à écrire ; ce dont quelques valets plus curieux que discrets s’étaient assurés en regardant par le trou de la serrure. La seconde quinzaine se passa de même ; seulement la dame française sortait plus sou- vent, écrivait moins par conséquent, et, chaque fois qu’elle rentrait, elle paraissait plus accablée et découragée que fatiguée ; souvent ses yeux baignés de larmes se détournaient avec affectation de ceux que le hasard ou un sentiment de curiosité malveillante mettait sur son chemin.

Un jour un grand bruit se fit entendre sur le palier même où était situé l’appartement de la dame française. D’abord on entendit la voix aigre de l’hôtesse, qui, d’un ton qui ne permettait aucune réplique, criait :

— Payez— moi, ou sortez ; votre chambre est louée à d’autres. Allons, sortez !

Puis une voix désolée, qui, sans prière, et répondant plutôt aux exigences du sort qu’à celles de l’hôtesse, di- sait :

— Mais où aller, mon Dieu ! où aller ?

Cette voix ne pouvait appartenir qu’à une très-jeune fille ; la dame française ouvrit précipitamment sa porte, et en face d’elle elle vit effectivement une jeune fille, grande, mince, le visage couvert de ses mains, qui, appuyée sur le chambranle de la porte inhospitalière refermée imhumai-