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Page:Leprince de Beaumont - Le Magasin des enfants, 1843.djvu/22

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LE MAGASIN DES ENFANTS

ah !… (elle rit) et fi donc, ma chère ; je vous croyais raisonnable ; vous avez douze ans, et vous jouez encore !

ADELINE.

Mais, mademoiselle, est-ce qu’il y a du mal à jouer quand on a douze ans ? Il me semble que je vous ai vu plusieurs poupées, il n’y a pas longtemps.

JULIETTE.

Il y à plus de six mois que j’ai jeté toutes ces choses dans le feu ; j’ai prié papa de me donner tout l’argent qu’il employait à ces bagatelles, pour acheter des livres et payer toutes sortes de maîtres.

ADELINE.

Je ne suis point de votre goût. Si j’étais la maîtresse, au lieu de donner deux guinées par mois à mon maître de géographie, j’achèterais les plus jolies choses du monde ; cela m’amuserait beaucoup ; au lieu que cet homme m’ennuie à la mort : quand je le vois, je ne puis m’empêcher de bâiller à tous moments : il le dit à maman, on me gronde, et cela fait que je hais davantage le maître et la géographie.

JULIETTE.

Vous n’aimez donc pas à lire des histoires ?

ADELINE

Non, en vérité, ma chère ; il faut cependant que je lise, car papa le veut ; mais quand je serai grande, et que je pourrai faire ce que je voudrai, je vous assure que je ne lirai jamais.

JULIETTE.

Vous serez donc une sotte toute votre vie, et vous ne serez jamais aimable. Écoutez, je vais vous dire ce qui m’a dégoûté des poupées. Pendant que nous étions à la campagne cet été, il venait plusieurs dames chez nous. Il y en avait deux qui étaient laides, mais si laides, qu’elles faisaient peur. Eh bien, papa était charmé quand elles venaient nous voir : il disait qu’elles étaient aimables ; cela me surprenait, car je croyais qu’il fallait être belle pour être aimable : mais je fus bien plus surprise ; vous connaissez madame Matha, qui est si belle ; papa