Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/215

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Oh ! que cette question remplit son cœur de peine ! On lui demandait si elle l’aimait, lui, son mari, lui, son futur compagnon dans les joies et les chagrins de la vie ; et elle ne pouvait pas, quoiqu’elle eût voulu se faire illusion, elle ne pouvait pas répondre affirmativement !

— Hélas ! non, je ne l’aime pas ! répondit-elle d’une voix et d’un air d’angoisse indescriptible.

— Une autre question, Antoinette ! — continua le colonel sans remarquer, dans la joie que cette dénégation lui avait causée, la singularité de ses manières, et en se penchant vers elle, — une autre question, s’il vous plaît : pensez-vous que vous puissiez jamais m’aimer ?

Le rouge écarlate qui se répandit, à cette question, sur les joues, sur le cou et jusque sur le front de la jeune femme, ses yeux qu’elle détourna pour qu’Evelyn n’y pût lire les secrets sentiments de son cœur, l’empêchèrent de faire une grande attention à cette exclamation qu’elle laissa échapper :

— Colonel Evelyn, ne me faites pas une question aussi extravagante et aussi inutile.

— Antoinette ! — dit-il en la pressant sur sa poitrine, — Antoinette, vous m’aimez : il est inutile de le nier. Et penser qu’un tel trésor de bonheur est destiné à remplir mon cœur vide depuis si longtemps, à consoler ma vie solitaire et malheureuse !

Ah ! en ce moment elle crut que la mort, si elle était venue, aurait été bien venue, agréable même. Il n’y