Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait plus moyen pour elle de se tromper plus longtemps. Elle aimait, d’un amour de femme, et non par un caprice d’enfant, l’homme plein de cœur qui se trouvait près d’elle ; mais elle devait renoncer pour jamais à l’appui de ces bras qui auraient pu la protéger contre les ennuis et les épreuves de la vie, elle devait rejeter ce dévouement inestimable et suivre sa triste destinée désormais enchaînée à celle du dur et égoïste Sternfield. Les regrets qui remplirent son âme étaient au-dessus de ses forces, et, avec un air qui trahissait les atroces douleurs de son esprit, elle se retira de l’étreinte où la tenait Evelyn.

— Les paroles me manquent pour vous remercier, dit-elle, de la préférence qu’un homme comme vous accorde sur toutes les autres à une personne aussi indigne que moi…

— Ce ne sont pas des remerciements que je demande, chère Antoinette ! dit-il en l’interrompant et surpris par son étrange réponse : un mot affectueux de votre part serait bien mieux reçu.

— Et ce mot ne peut pas être prononcé ! l’amour que vous daignez me demander, je ne pourrai jamais vous l’accorder !

— C’est un caprice de jeune fille, répondit-il vivement quoique avec douceur. Je sais que vous m’aimez, : Antoinette : je l’ai lu infailliblement dans votre regard, dans vos manières, dans votre voix.

— Et ce serait bien malheureux pour nous deux ! dit-elle. Je vous répète, colonel Evelyn, que je ne