Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/217

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puis être à vous, que je ne puis pas même vous permettre d’employer avec moi des propos d’amour.

Triste et perplexe, il ne parlait pas, il la regardait. Tout-à-coup il lui vint à la pensée que peut-être elle avait fait à la légère, avec le major Sternfield, un engagement inconsidéré comme les jeunes filles en font aussi facilement qu’elles les brisent, et que cet engagement, elle le regardait comme un obstacle insurmontable à toute autre union, quoique l’inclination qui l’avait amené eut entièrement disparue.

— Prenez ce siège, Antoinette ; nous allons causer tranquillement sur ce sujet.

Et, la faisant asseoir, il prit une de ses mains dans les siennes. Elle la retira aussitôt mais resta où il l’avait fait asseoir.

— Vous devez m’écouter avec patience, continua-t-il ; aussi bien, il vaut mieux pour nous deux que nous sachions dès maintenant à quoi nous en tenir. Moi qui, depuis si longtemps, depuis la cruelle épreuve dont je vous ai parlé, ai si soigneusement évité les femmes, fuyant également leur amour et leurs sympathies, j’ai involontairement laissé pénétrer votre image dans mon cœur et me devenir bien chère. Si la douce franchise de votre caractère ne m’eût pas donné à supposer que mon affection était un peu partagée malgré la différence de nos âges, malgré ma nature si peu attrayante et si taciturne, j’aurais enseveli mon amour dans le plus profond de mon âme, et jamais on n’aurait pu soupçonner son existence. La destinée en a dis-