Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/262

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vous, qui en connaîtrez la cause, vous n’aurez pas lieu de vous en étonner. Il s’inclina, et quelques instants après il laissait la maison.

Frappée au cœur, Antoinette était restée à la place où il l’avait laissée, et elle se demandait si jamais cœur de femme avait supporté autant de douleurs que le sien, quand Sternfield, qui avait dansé et flirté tout le temps dans une chambre adjacente, vint la trouver.

La regardant attentivement en face :

— Antoinette ! dit-il, tu parais triste et malade ?

— Vous ne vous attendez pas, j’espère, à ce que je sois gaie ou en bonne santé.

— Peut-être es-tu fâchée contre moi de ce que je me suis si bien amusé avec cette petite Éloïse aux jolis yeux noirs ?

— Je ne l’ai pas même remarqué, répondit-elle d’un air fatigué.

Sternfield se mordit les lèvres de dépit. Une aussi entière indifférence n’était pas précisément ce qu’il avait cherché ni désiré. Aussi ce fut avec impatience qu’il reprit :

— Peut-être es-tu mue à présent par des inquiétudes ou des intérêts plus puissants ?

— Ah ! je n’ai plus rien à espérer ni à craindre.

— Dis-moi, es-tu sérieuse dans ton projet de retourner de suite à la campagne, ou bien n’est-ce qu’une simple menace ?

— Je pars demain.

— Alors dois-je te dire adieu ce soir, ou bien revenir demain matin ?