Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/27

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cette animation qui manquent rarement aux jeunes Canadiennes, partie à son air languissant et mélancolique, résultat d’une constitution délicate excessivement fragile.

Une femme plus exigeante que Madame de Mirecourt aurait sans doute accusé sa jeune protégée d’ingratitude, tant celle-ci se montrait peu communicative, tant elle mettait de réserve dans ses paroles et dans ses manières ; mais jamais cette retenue ne lui avait fait oublier les intentions délicates, la respectueuse déférence qu’une jeune fille doit à sa mère.

Jamais peut-être la froideur naturelle de Corinne ne se manifesta à Madame de Mirecourt d’une manière aussi évidente, aussi frappante qu’à l’occasion du retour d’Arthur au foyer maternel. Pendant que toutes les personnes de la maison, les amis, les voisins de la famille préparaient des fêtes et des réjouissances pour célébrer cet heureux retour, elle seule laissait voir un calme qui s’élevait presque à l’indifférence ; et lorsque, à son arrivée, le jeune Arthur, après avoir tendrement pressé sa mère dans ses bras, se tourna vers elle pour l’embrasser comme il eût fait avec sa sœur, elle ne manifesta pas plus de joie ni d’émotion que si son départ n’eût eu lieu que la veille. Cette espèce d’insensibilité frappa le jeune homme, et lorsque, quelques heures plus tard, il en fit la remarque à sa mère, — dans un de ces entretiens confidentiels que celle-ci déclara être un ample dédommagement de la