Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/341

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jour où, sans crainte, tu prendrais possession de la fortune de ta mère, j’espérais qu’il m’arriverait quelque bonne chance : la mort de ton père, par exemple, — à cette heure-solennelle, je parle franchement, comme tu vois, Antoinette, — ou d’autres circonstances qui t’auraient mise entièrement, toi et ta réputation, en mon pouvoir. Mais mes rêves, comme ma vie, achèvent.

Un long silence, interrompu seulement par les sanglots d’Antoinette, suivit ces sinistres paroles.

Écoute-moi, enfant, reprit le mourant ; approche-toi plus près, car j’ai à te faire un aveu que jamais je n’aurais adressé à un être humain : ta douce patience a fini par me toucher, et, avant de quitter la terre pour toujours, j’ai à te demander pardon pour tout ce que je t’ai fait souffrir, pour toutes mes cruautés et mes injustices envers toi. Oh ! accorde-le moi.

— De tout mon cœur, dit-elle d’un accent touché et en appliquant ses lèvres sur son front recouvert déjà des ombres de la mort. Puisse Dieu me pardonner toutes mes erreurs comme je vous pardonne !

Il sourit faiblement, et ses doigts serrèrent la main mignonne qui les tenait.

Le crépuscule augmentait toujours. Plus froide devenait la pression des mains du mourant, plus vives étaient les ombres qui se répandaient autour de ses yeux et de sa bouche ; et quand, enfin, la malheureuse jeune femme qui le suivait attentivement des yeux prononça à haute voix son nom, elle n’obtint pas de réponse, ni du regard ni de le voix.