Page:Leprohon - Armand Durand ou la promesse accomplie, trad Genand, 1869.djvu/203

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j’ai souffert ce soir plus qu’il m’était possible de souffrir : peu d’hommes auraient enduré autant.

Et il sortit brusquement de la chambre.

Madame de Beauvoir attendit qu’il fût descendu et eût refermé sur lui la porte du dehors ; puis, après avoir fermé la porte du salon, elle s’approcha de sa fille.

— Est-il bien vrai, lui dit-elle, que tu viens de refuser de Montenay ?

— Oui, maman, c’est vrai.

— Et me sera-t-il permis de te demander pourquoi ? Est-ce qu’il n’est pas un très-bon parti pour une jeune demoiselle qui mange le pain de la charité, qui est nourrie et habillée par son oncle ?

En entendant ces mots, les joues délicates de Gertrude rougirent, car il y avait une bonne dose d’orgueil dans ce jeune cœur.

— Oui, reprit-elle vivement, oui je l’ai refusé et je le refuserais quand bien même je serais une mendiante.

— Dans quel roman as-tu pris cela ? ou bien, est-ce un effort de ton imagination ?

— Ayez la bonté de m’écouter, maman : je confirme maintenant, et d’une manière formelle, ce que je viens de dire à de Montenay : jamais, non jamais, je ne serai sa femme !

— Mais tu n’as pas d’autre alternative, mon enfant. Tu sais aussi bien que moi de quelle pauvreté nous a retiré la générosité de ton oncle. Tu ne dois pas avoir oublié non plus la petite et chétive maison où nous logions à