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LE MANOIR DE VILLERAI

XVI


Dans le salon vaste, quoique bas, d’une bonne maison de pierre sur la Place d’Armes, à l’endroit où s’élève maintenant un splendide édifice public, une vieille dame mise avec la simplicité d’une religieuse, était assise, occupée à confectionner des vêtements dont le tissu grossier, mais chaud et durable, montrait qu’ils étaient destinés aux pauvres.

Il y avait dans l’appartement un singulier mélange de luxe et de simplicité. Un simple tapis de droguet couvrait le plancher, de sombres rideaux voilaient les fenêtres ; mais des peintures à l’huile d’une exquise beauté et d’une grande valeur ornaient les murailles. Les sujets, cependant, en étaient tous religieux, de même que ceux des gravures suspendues au-dessus de la cheminée, dont les seuls ornements étaient un crucifix d’ivoire d’un travail délicat, et deux groupes en albâtre, la sainte Famille et la Nativité. Il y avait aussi quelques livres richement reliés ; mais un amateur de littérature légère, qui aurait voulu s’en servir en guise d’amusement, aurait été excessivement trompé, car les sujets, ainsi que les peintures, en étaient tous sérieux et pieux.

Madame de Rochon (nos lecteurs ont probablement déjà deviné que c’est là l’excellente femme dont avait parlé M. le curé), s’arrêta tout à coup dans son travail et jeta un regard vers la pendule.

— Presque onze heures, dit-elle. Ma jeune amie de la campagne va bientôt être ici. Pauvre enfant ! Il faut que je m’efforce de la rendre heureuse.

Ces bonnes paroles, prononcées d’une voix tendre et douce, augurèrent bien en faveur de Rose, et quand celle-ci arriva bientôt après, et entra en présence de sa nouvelle patronne, toute tremblante de timidité, quelques mots encourageants la rassurèrent bien vite et apaisèrent les battements agités de son cœur.

Après plusieurs questions touchant M. Lapointe, madame de Rochon se leva en disant :

— Venez avec moi, petite, je vais vous montrer votre chambre.