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Page:Leprohon - Le manoir de Villerai, 1925.djvu/171

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LE MANOIR DE VILLERAI

vaient fait subir à sa beauté quelques semaines de maladie ; mais aucune exclamation, aucun murmure de regret ne s’échappa de sa bouche. Elle se tourna lentement vers la compatissante Rose, et lui demanda avec calme si le médecin avait dit que les marques de la maladie demeureraient constamment.

Rose reprit avec hésitation, que le Dr Tourville leur avait assuré que les plus fortes traces disparaîtraient entièrement au bout de quelque temps.

— Ne craignez pas, chère Rose, de me dire la vérité, reprit-elle avec calme ; lors même que j’aurais perdu pour toujours la petite portion de beauté que je possédais autrefois, ne puis-je pas dire avec autant de vérité que vous : Quel bonheur m’a-t-elle jamais apporté ? Non, si je reviens à la santé, je ne me plaindrai pas du reste.


XXIII


Blanche et sa compagne trouvaient ample matière à leurs pensées et à leur conversation dans les revers qu’éprouvaient les armées françaises ; et, tout en suivant avec anxiété le cours des événements, elles tremblaient toutes deux secrètement pour la vie du vaillant de Montarville, dont les lettres disaient combien son cœur de patriote regrettait amèrement le triste sort de sa malheureuse patrie. Son nom, pourtant, était rarement prononcé par les deux jeunes filles, et quoique le teint ordinairement pâle de Rose se colorât visiblement, chaque fois qu’on apportait à mademoiselle de Villerai une lettre adressée de cette écriture si bien connue, cette dernière, fidèle à sa promesse, ne faisait aucune remarque, mais gardait le silence.

Blanche, devinant ou prenant en pitié cette profonde anxiété qui n’osait jamais s’exprimer ; ou bien écoutant peut-être les dictées d’une simple politesse, lisait ordinairement à haute voix les quelques détails que Gustave donnait sur la guerre, et puis fermait la lettre, en disant : Il est bien.

Quel soulagement ces paroles procuraient à Rose, toujours tourmentée par des craintes incessantes sur la vie de celui