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Page:Leprohon - Le manoir de Villerai, 1925.djvu/34

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LE MANOIR DE VILLERAI

en te disant que ta belle-mère est une des femmes les plus méchantes et les plus insupportables qui existent ? Quelle vie nous fait-elle mener à tous deux ? C’est à peine si j’ose toujours parler dans ma maison comme il me plaît ; et ensuite, pourquoi serais-tu obligée d’avoir toujours soin et d’amuser continuellement cet insupportable enfant ? Pourquoi faut-il que tu sois toujours en butte à ses reproches et à ses gronderies tyranniques, depuis le matin jusqu’au soir ? Ah ! oui, j’ai bien raison de me demander pourquoi j’eus l’idée de me marier une seconde fois !

Il soupira profondément, reprit sa pipe et continua de fumer comme s’il eût été déterminé à jeter un défi au sort.

Cependant l’infatigable petit fardeau placé dans les bras de sa fille, à force de se démener, roula à terre et s’agita, jusqu’à ce que lui et sa délicate nourrice fussent littéralement épuisés.

— Pourquoi ne le frappes-tu pas, ne le pinces-tu pas ? demanda soudainement Lauzon, en ôtant la pipe de sa bouche, et la secouant violemment contre le poêle, pour en faire sortir la cendre inutile. Il ne pourra rien en dire. Ne te laisse donc pas fatiguer ainsi par lui.

Cette fois Rose sourit ; mais au lieu de suivre l’avis de son père, dont la charité chrétienne était plus que douteuse, elle flatta, consola et apaisa ce petit rebelle, jusqu’à ce qu’enfin il s’endormit.

— Dieu merci ! s’écria le fermier, comme Rose déposait doucement le marmot dans son simple ber de bois, telle mère, tel enfant ! On ne pourra jamais se méprendre sur celle à qui appartient cet enfant !

Dans son indignation, l’excellent homme semblait avoir presque oublié une grande vérité, c’est qu’il était le père bien légitime de ce jeune monsieur d’humeur si bruyante.

— Mais, dis-moi, Rose, continua-t-il, maintenant que nous pouvons avoir un instant de paisible causerie, on commence à dire qu’André Lebrun te trouve la meilleure et la plus jolie fille du village, et pense à t’établir maîtresse de sa belle ferme et de sa maison de pierre neuve. Si c’est vrai, quelle belle chance ne serait-ce pas pour toi, petite !

Ceci pourra paraître étrange, mais à ces paroles la phy-