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LE MANOIR DE VILLERAI

Cependant la colonie attendait avec impatience et anxiété les secours si instamment demandés à la mère patrie ; mais celle-ci, ou plutôt ses ministres, étaient plus soucieux de fournir l’argent nécessaire à la honteuse prodigalité de la cour scandaleuse de Louis XV et de ses royales favorites, que de protéger leurs soldats, et leurs colons, qui combattaient si noblement pour l’indépendance d’une terre lointaine. La déclaration ridicule de madame de Pompadour, que le Canada, pays de déserts glacés et d’impénétrables forêts, avait déjà coûté plus qu’il ne valait, était suffisante pour engager un ministre esclave à abandonner ce malheureux pays à son triste sort.

On perdit du temps à attendre les secours demandés en France ; mais le général de Montcalm, voyant qu’ils n’arrivaient pas, et perdant tout espoir de ce côté, résolut de profiter du départ de lord London, général de l’armée américaine, pour tenter la fortune.

Ce dernier venait de quitter New-York avec une partie des troupes anglaises pour Louisbourg, et Montcalm crut le moment favorable pour renouveler son attaque sur le fort William-Henry.

En conséquence, il concentra pendant le mois de juillet suivant, 7,600 hommes à Carillon, qui devint plus tard l’importante forteresse de Ticondéroga[1]. Le 30 du même mois, l’expédition partit sous le commandement personnel du général de Montcalm. Parmi ceux qui l’accompagnaient étaient le renommé chevalier de Lévis, fait plus tard maréchal de France ; son brave aide-de-champ de Bougainville, devenu également cher à la science et à la gloire par ses découvertes et ses expéditions maritimes ; le colonel de Bourlamaque, qui fut si généralement estimé pendant la campagne de 1758, et enfin Rigaud de Vaudreuil, frère du gouverneur-général, homme peut-être plus distingué par la bonté de son cœur et par son généreux dévouement à la cause du Canada, que par ses talents militaires.

Le résultat de cette expédition est bien connu. Le 4 d’août, les troupes françaises arrivèrent devant le fort Henry, et le 9, le fort se rendit après une forte résistance. Les termes de la capitulation furent que la garnison abandon-

  1. Ce fort n’est plus aujourd’hui qu’un monceau de ruines.