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LE MANOIR DE VILLERAI

de doute ; un seul osa demander ce qui serait arrivé si l’étranger eût failli dans sa courageuse tentative.

— Eh bien ! je suppose que le loup-garou l’aurait dévoré.

Ici madame Lauzon, trouvant que la compagnie commençait à devenir trop sérieuse, pour un jour aussi joyeux, pria l’un des jeunes gens de chanter une chanson bien connue de tous, et à laquelle la plus grande partie de la compagnie répondit gaiement, sinon très harmonieusement.

Et maintenant, le lecteur qu’aura intéressé notre gentille Rose, demandera peut-être où elle se tint pendant toute la soirée, et pourquoi nous n’avons pas prononcé son nom une seule fois.

Nous devons avouer franchement que madame Lauzon, singulièrement jalouse de ses droits d’unique maîtresse de la maison, l’avait laissée là où elle aurait toujours voulu la voir, si c’eût été possible, en arrière des autres, ne se distinguant de toutes les jeunes filles qui l’entouraient que par la rare amabilité de ses manières et l’exquise douceur de son regard et de sa voix. Malgré toutes ces précieuses qualités, elle était généralement regardée comme très fière, non seulement par les jeunes gens, dont elle écoutait les gros compliments avec une grande froideur, mais aussi par ses jeunes compagnes, qui ne trouvaient pas en elle un goût bien prononcé pour les cancans féminins et les interminables discussions touchant les mérites et les défauts des cavaliers du village. Pauvre enfant ! elle était bien en dehors de sa sphère : de telles scènes, de telles conversations, de tels sujets étaient loin de convenir à sa belle âme ; aussi elle alla se reposer, ce soir-là, la tête malade et le cœur bien triste.


VIII


Les jours se succédaient assez paisiblement au manoir, sans rien amener de nouveau. Cependant un œil observateur aurait deviné que sous ce calme apparent il y avait des éléments de discorde prêts à éclater. Blanche, tranquille et calme, vaquait comme d’ordinaire à ses occupations domestiques, tandis que son fiancé, agité et préoccupé, était parfois d’une humeur irritable. Soit que son esprit