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LE MANOIR DE VILLERAI

Gustave d’avec sa jolie fiancée en était la seule et unique cause, se montra pleine de prévenance et de compassion, se hasardant parfois à dire qu’elle espérait que le temps viendrait bientôt où il n’y aurait plus de ces cruelles séparations. Blanche, plus incrédule ou plus pénétrante, ne paraissait pas partager les conjectures de sa parente, et elle jeta plus d’un regard scrutateur sur son futur, quand il se tenait dans l’embrasure de la fenêtre, regardant le paysage glacé qui allait toujours s’assombrissant, ou lorsqu’il était silencieusement assis, étudiant d’un air distrait les dessins bizarres du tapis.

Le matin du départ le soleil se leva clair et brillant ; c’était un de ces jours qui nous font aimer le froid hiver, un de ces jours où les petits oiseaux blancs voltigent si longtemps autour de nos demeures, tandis que dans la cour des fermes le bétail, fatigué de l’ennuyeuse et obscure étable, se délasse un instant au dehors en tournant de tous côtés des yeux étonnés, éblouis par l’éclatante blancheur de la neige.

Nos deux jeunes gens, Blanche et son fiancé, étaient seuls dans le salon, et se comportaient, il est inutile de le dire, avec un aussi sévère décorum que si cette reine des duègnes, madame Dumont, eût présidé en personne à leur entrevue. Les conjectures sur les résultats de la prochaine campagne et sur les mouvements probables des troupes formaient, tout naturellement, le sujet principal de la conversation. Tout à coup madame Dumont entra, et après des remarques peu importantes, se tourna vers sa nièce en disant :

— N’oublie pas, Blanche, de donner à Gustave ce que tu lui as promis il y a longtemps, ces jolies esquisses des paysages environnants, et aussi un porte-montre en rassades et en chenille.

Blanche répondit par une simple affirmation, tandis que de Montarville se confondait en protestations de reconnaissance et en remerciements.

— Va les chercher, ma chère, continua la vieille dame. Quelques-uns des dessins sont parmi ta musique dans le salon ; et écoute, Blanche, continua-t-elle, comme la jeune fille se levait pour partir, envoie l’une des filles dire à Rose Lauzon que je veux lui parler au sujet de couture, cette après-midi.