Page:Lermina - L’A.B.C. du libertaire.djvu/9

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Mais aie toujours présente à l’esprit cette vérité que nul ne peut être complètement heureux tant qu’il existe un seul être malheureux.

C’est là un de ces préceptes qui provoquent les haussements d’épaules des philosophes sociaux : il semble que le bonheur individuel suffise à satisfaire toutes les aspiration humaines. Meurent les autres, pourvu que je vive.

Ce raisonnement est à la fois inique et absurde.

Le malheur des uns constitue toujours un danger et une menace pour les autres ; une situation déséquilibrée est génératrice de réaction et l’être le plus profondément, le plus insolemment égoïste doit compter avec les revanches possibles et les retours offensifs des déshérités.

D’où une perpétuelle inquiétude, une sensation d’instabilité qui gâte la jouissance…

Sans parler du sentiment de compassion - dont on cherche à se défendre par la charité - mais qui subsiste au fond des consciences les plus fermées en apparence aux émotions généreuses.

En réalité, dans l’état social actuel, nul ne peut, en parfaite sincérité, se tenir pour sûr du lendemain ; la lutte quotidienne produit de terribles jeux de bascule et les plus hauts placés sont à la merci des chutes les plus profondes.

Le libertaire veut un état social où l’envie, la jalousie, les pensées de reprise n’aient plus de place, c’est-à-dire où tous, vivant dans la plénitude de leur liberté, dans l’épanouissement total de leurs facultés, dans la satisfaction intégrale de leurs besoins, n’aient plus à se disputer les uns aux autres les moyens de vivre.