Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/25

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enfumés était pleine de monde. Au milieu, pétillait un petit feu allumé par terre, et la fumée, chassée par deux courants d’air qui venaient des ouvertures du toit, étendait autour de la chambre un voile si épais, que de longtemps je ne pus m’orienter. Devant le feu étaient assises deux vieilles femmes, une multitude d’enfants et un seul Géorgien d’aspect misérable : tous étaient en guenilles. Que faire ? Nous nous réfugiâmes près du feu, nous nous mîmes à fumer nos pipes et bientôt la bouilloire commença à chanter agréablement.

— Pauvres gens, dis-je au capitaine, en indiquant nos hôtes, qui se taisaient et nous regardaient avec une espèce d’ébahissement.

— Peuple stupide ! répondit-il ; croyez-le ! ils ne savent rien et sont incapables de quelque civilisation. Au moins nos Kabardiens et nos Circassiens, quoique bandits et pauvres hères, ont en revanche des têtes exaltées. Mais ceux-ci n’ont aucun goût pour les armes et on ne trouve sur eux aucune arme de quelque valeur ; ce sont certainement des Géorgiens !

— Mais êtes-vous resté longtemps à Tchetchnia ?