Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avouer d’aussi lâches desseins ? Il lui restait un expédient, c’était de tirer en l’air, je croyais réellement qu’il le ferait. Une seule chose pouvait l’empêcher, c’était la pensée que je réclamerais un second combat.

— Il est temps ! me dit le docteur, en me tirant par la manche, si vous ne leur dites pas maintenant que vous connaissez leurs projets, tout est perdu ! Voyez, ils chargent déjà… si vous ne voulez rien dire, je vais moi-même…

— Pas pour rien au monde, docteur, lui répondis-je en le retenant par la main ; vous gâteriez tout. Vous m’avez donné votre parole de ne pas vous en mêler… qu’est-ce que cela vous fait ? Je puis bien mourir peut-être !

Il me regarda avec étonnement.

— Ah ! c’est autre chose…, seulement ne vous plaignez pas de moi dans l’autre monde.

Le capitaine cependant chargea les pistolets, en donna un à Groutchnitski en souriant et en chuchotant quelque chose à son oreille, et me remit l’autre.

Je me plaçai à l’angle de la petite plate-forme, solidement appuyé avec ma jambe gauche contre une pierre et me penchant un peu en avant,