Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/86

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je, et nous laissâmes aller nos chevaux à toute bride. Aux portes de la forteresse une grande foule nous attendait. Nous portâmes prudemment la blessée chez Petchorin et fîmes appeler le médecin. Il était presque ivre, mais il vint cependant, regarda la blessure et déclara que Béla ne vivrait pas plus d’un jour. Il se trompait :

— Elle revint donc à la santé ? dis-je au capitaine, en lui prenant la main et presque joyeux malgré moi.

— Non ! répondit-il : le médecin s’était trompé en ceci qu’elle vécut encore deux jours.

— Mais expliquez-moi de quelle manière Kazbitch avait pu l’enlever ?

— Voici : malgré la défense de Petchorin, Béla était allée de la forteresse à la rivière ; il faisait très chaud, comme vous savez, et elle s’était assise sur une pierre et lavait ses pieds dans l’eau. Kazbitch s’approcha d’elle furtivement, lui ferma soudain la bouche, la tira dans les arbres, l’enleva sur son cheval et s’enfuit. Elle, cependant, s’efforçait de crier ; les sentinelles donnèrent l’alarme et nous arrivâmes à propos.

— Mais pourquoi Kazbitch voulait-il l’enlever ?