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BALAOO

Le jeune homme leva le nez, tout rouge… Comme elle avait crié son nom !… On avait dû l’entendre de tout le village… jusque chez les Vautrin, là-bas au bord de la route…

Il lui fit une réponse rapide de politesse, et, pour n’attirer l’attention de personne, grimpa en trois bonds sur l’impériale qui était vide, alors que l’on s’écrasait à l’intérieur et dans le coupé. Et il se jeta dans l’encoignure de la bâche, à l’abri des malles que Michel, aidé du garçon d’écurie, debout sur une échelle appuyée à la diligence, achevait d’arrimer.

Les chevaux étaient attelés et secouaient leurs grelots, impatients. « À quelle heure qu’on va arriver ! » bougonnait Michel… et il ajoutait, entre ses dents : « Si on arrive ! » Mais Patrice ne l’entendit pas.

Patrice n’était occupé qu’à se dissimuler, à se demander si on n’allait pas l’apercevoir quand la voiture entrerait en forêt, pas bien loin de la masure des Trois Frères.

Enfin on partit. Coups de trompe, coups de fouet. Cahots dans la rue Neuve et trotte la guimbarde !…

Avant d’entrer en forêt, le jeune homme risqua un coup d’œil du côté des Vautrin ; la bicoque était fermée et il ne vit rien de suspect ; mais son regard, qui monta plus haut, jusqu’au manoir, aperçut, sur le seuil de la petite porte qui ouvrait du paradou sur les bois, la silhouette fine de Madeleine qui agitait un mouchoir.

Patrice en reçut un coup au cœur, non point que celui-ci se gonflât, à l’instant, d’un amour immodéré, mais bien d’une crainte subite que lui inspirait une pareille imprudence. « Ah bien ! se dit-il, ça, ça n’est pas fort de sa part !… Je l’aurais crue plus intelligente ! »

Mais, en forêt, il se rassura. Chaque mètre qui l’éloi-