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BALAOO

la muraille, la bouche grande ouverte et les yeux brillants d’effroi.

— Décidément, pense l’anthropopithèque, j’ai dû faire une bêtise. Ils n’ont pas l’air content !

Coriolis se relève aussi pâle que le mort.

— Misérable ! râle-t-il. Qu’est-ce que tu as fait ? Tu as assassiné ton hôte !

[ « Bah ! pense Balaoo, pourquoi se mettent-ils dans un état pareil ? C’est le cadavre qui les gêne, je le vois bien ! et ils doivent craindre le commissaire de police qui vient toujours quand on fait du mal à ceux de la race humaine. Par exemple, on peut assassiner mon ami Huon, le grand vieux sanglier solitaire qu’ils ont tué proprement d’un coup de couteau au cœur devant tout le monde (et personne n’a protesté), et mon ami Dhole, le grand vieux loup vert qu’ils ont criblé de coups de fusil, parce qu’il avait mangé un petit enfant de six mois qui ne disait pas encore : papa, maman… ; mais on n’a pas le droit d’étrangler naturellement, avec ses mains, un de la race humaine. C’est la Loi ! C’est bon ! C’est bon ! je vais enlever le cadavre et personne ne saura rien. Je vais encore le pendre : c’est un bon truc ! » ]

Ce pensant, Balaoo a pris par les pattes de derrière le grand corps mou de M. Herment de Meyrentin, et il le traîne jusqu’à la porte. Coriolis veut l’arrêter, mais Balaoo crie si fort : Goek ! Goek ! que Coriolis voit bien qu’il n’y a rien à faire de l’anthropopithèque dans un tel moment. Balaoo est tout frémissant, tout exalté, tout glorieux de l’ouvrage terrible. Il ne ferait pas de mal à une mouche ; tout de même le docteur Coriolis comprend qu’il ne ferait pas bon de le séparer de sa proie.