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BALAOO

vingtaine — ils avaient été surtout secoués par l’émotion. Aussi s’étaient-ils enfuis à travers champs jusqu’à Saint-Martin-des-Bois, jetant l’alarme dans le village déjà calfeutré pour la nuit.

À l’exception de deux ou trois d’entre eux, qui habitaient le village même, tous se rendirent chez les Roubion qui tiennent l’auberge à l’enseigne du « Soleil Noir », au coin de la place de la Mairie et de la rue Neuve.

À l’auberge, la confusion fut complète. Pendant que les uns réclamaient des chambres, ou tout au moins un lit, une paillasse, les autres s’excitaient mutuellement sur le danger qu’ils avaient couru.

L’opulente Mme  Roubion essayait de contenter tout le monde, mais y parvenait difficilement. Un matelas faillit être mis en pièces. Quand, tant bien que mal, chacun fut casé, il se présenta un dernier voyageur, le front caché sous un bandeau. C’était le seul blessé.

— Tiens ! monsieur Patrice ! Vous êtes blessé ? demanda Mme  Roubion avec sollicitude, en tendant sa main grasse au nouvel arrivant, un jeune homme dans les vingt-quatre à vingt-cinq ans, de figure douce et sympathique, aux jolis yeux bleus, à la petite moustache blonde soigneusement relevée en croc.

— Oh ! une écorchure ! rien de grave… demain, il n’y paraîtra plus !… Avez-vous une chambre pour moi ?

— Une chambre, monsieur Patrice… Il me reste le billard, oui !…

— Je prends le billard ! répondit le jeune homme en souriant.

Sur quoi Mme  Roubion alla s’occuper de M. Gustave Blondel, commis-voyageur en nouveautés d’une