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BALAOO

des marécages et si tu avais vu le mur de lianes géantes tressé d’un arbre à l’autre qui empêche depuis cent mille ans ceux de la race humaine de pénétrer dans notre village, tu n’oserais plus nous parler de ton trou de maison défendu par la charmille de Saint-Martin-des-Bois ! »

Cet As, avait pensé Balaoo, qui passe pour malin, ici, chez nous ferait sourire un éléphant. « Et puis, d’abord, c’est bien simple, avait-il ajouté, ma forêt de Bandang, quand on veut pénétrer dedans, il faut y faire un trou comme un tunnel ! Ça n’a rien à faire avec les forêts de par ici ! »

As n’avait pas insisté, sachant qu’il n’aurait pas le dessus avec Balaoo et connaissant le proverbe : « A beau mentir qui vient de loin ». As comprenait tout ce que lui disait Balaoo, parce que l’anthropopithèque avait soin, quand il s’exprimait devant les bêtes, d’oublier la langue des hommes que Coriolis et Madeleine lui avaient apprise. Ainsi il se mettait gentiment et sans se faire prier à égalité de bête à bête, et la communication était rétablie tout de suite entre instincts animaux (ce qui ne l’empêchait pas de garder son quant-à-soi humain et même de penser avec sa pensée humaine, tout en s’exprimant devant les autres, comme tout le monde de la race bête). Et il agissait même ainsi avec le général Captain qui, lui, prononçait des mots d’hommes sans les comprendre, et ne comprenait que les mots de bête.

Le général Captain était le perroquet qu’il avait volé à Mlle Franchet et qu’il avait emmené en esclavage dans sa hutte de la forêt, où il lui servait de concierge. Balaoo avait le plus grand mépris pour le général Captain, trouvant qu’il n’y a rien de plus bête pour une bête que de s’acharner à parler avec des mots d’homme qu’elle ne comprend pas.