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BALAOO

que cet arbre n’était rien à côté de ceux de la forêt de Bandang, et que son père et sa mère, avant d’aller suspendre leur maison sur les mangliers des marécages, avaient d’abord habité, au temps de sa première jeunesse, un eucalyptus qui avait plus de quinze cents pieds de haut (qu’il disait) et trente pieds de diamètre. Enfin, il voulait bien se contenter de cet arbre-là dont il aimait le tronc lisse et propre, la ramure soyeuse, les feuilles polies et luisantes après la pluie et dont il dévorait les fruits en ayant bien soin d’en rejeter l’écorce (la nature — dont la voix ne cessait jamais de lui parler à l’oreille, — lui ayant soufflé qu’elle contenait le pire poison, celui qui rend épileptique et vous fait ressembler à un homme saoul).

Balaoo, au moment de son emménagement dans l’arbre, en avait chassé tous les animaux, excepté les petits oiseaux dont il respecta avec grand soin tous les nids.

Ce n’était point qu’il fût, à l’excès, sentimental, mais il aimait la fine omelette : ce dont s’aperçurent, à la longue, les petits oiseaux, qui le quittèrent, quoi qu’il prît garde de ne les point chasser.

Balaoo, ayant traversé dix étages de ramures, arriva à son petit « pied-en-l’air » de garçon anthropopithèque. Le concierge était sur la porte, le bec ouvert, tourné vers le lointain incendie. Balaoo mit sa main en visière sur son front et regarda. Cela brûlait au beau milieu de Saint-Martin, du côté de la place de la mairie. Il fut rassuré tout de suite. Du moment que la demeure de Madeleine n’était point en danger, le reste lui était bien égal. Il pensa instinctivement aux Trois Frères qui aimaient, comme lui, à faire des farces à ceux de la race humaine, et il se dit qu’une si grande lueur était peut-être de leur invention, et il ne regretta point le coup qu’il avait fait à