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BALAOO

vous approcherez de Moabit, envoyez-moi une estafette et nous entrerons à notre tour dans la forêt ! Compris ? Adieu et bonne chance ; moi, je retourne tout de suite chez la vieille Vautrin qui finira peut-être par nous donner un renseignement. Quand on songe qu’ils ont eu le toupet de revenir chez eux et d’aller y chercher leurs affaires ! Quelles affaires ? De la politique, encore ! bien sûr ! On n’avait rien trouvé lors des perquisitions !… Et la Zoé, qu’est-elle devenue ?… La vieille dit qu’elle est partie à courir la forêt avec eux !… Ça n’est guère probable, elle leur serait plutôt un embarras !…

— La petite Zoé connaît la forêt aussi bien qu’eux, dit M. le Maire qui venait d’arriver, et elle grimpe aux arbres comme un singe. Ils ne sont pas encore pris, allez ! Vous auriez mieux fait de les garder dans votre prison, monsieur le Préfet.

Le Préfet fit celui qui n’avait pas entendu et se dirigea, suivi de tout le village, vers la masure des Vautrin où gémissait la vieille Barbe.

Elle était plus fière que jamais d’avoir mis au monde une pareille progéniture, dont toute la République s’occupait et qui chambardait tout un département ! Et elle faisait passer un frisson dans le dos de tous ceux qui étaient entrés dans sa masure, rien qu’avec la façon dont elle disait : « Ah ! bien ! ils ont emmené le docteur Honorat ! J’voudrais pas être, à c’t’heure, dans sa peau, à celui-là ! » Et elle reprenait, devant les autorités atterrées :

— Ah ! les gas ! quand je pense que je les ai eus tous les trois d’une seule portée ! Y a-t-il beaucoup de mères comme moi au monde ! On devrait-y pas me décorer ? Sans compter que, le jour du baptême, j’ai bien cru qu’on