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BALAOO

allait me f… la Légion d’honneur ! Le Maire y m’a embrassé, oui, m’sieur Jules ! V’là comme ils faisaient les Maires avec la Barbe, dans ce temps-là ! On les a baptisés tous les trois en même temps. On avait mis trois oreillers dans une charpagne, ma parole ! et les trois petits gars dessus qui chiallaient comme des veaux. Et on a porté la charpagne pleine des trois mioches à M’sieur le Curé et on leur a mis le sel sur la langue ! Il y avait trois parrains qui y ont donné chacun leurs noms ! Et le souër, tout le village était saoul, et le maire, et le curé aussi !… V’là comme on faisait, m’sieur Jules, dans ce temps-là !… Tâchez pas d’y faire du mal à mes petits ! C’est pas d’main que la vieille Barbe pourrait en recommencer trois pareils !

Et puis elle se tut et ne voulut plus répondre à aucune question.

Tout à coup, il y eut un grand remue-ménage sur la route autour de la maison des Vautrin. Chacun se bousculait pour mieux voir quelque chose de blanc qui s’avançait au milieu du chemin, venant de la forêt.

C’était comme une apparition de la Vierge… Oui, une forme toute blanche et vaporeuse, et glissante, et ondulante, qui se dirigeait vers la foule stupéfaite. Et, soudain, une voix cria :

— Mais c’est la robe de l’Impératrice !

Alors toutes les bouches reprirent :

— C’est la robe de l’Impératrice ! C’est la robe de l’Impératrice qui revient !

Mais elle n’était pas toute seule, la robe de l’Impératrice, et bientôt on put voir qu’elle revenait sur le dos de la petite Zoé. Oui, parole ! c’était Zoé, dans la robe de l’Impératrice, qui, sur le chemin, lui donnait des airs de Reine du Ciel.