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BALAOO

— Et s’il ne cède pas ? avait demandé le prisonnier.

— Ah ! ah ! eh bien, mais, s’il ne cède pas… le second jour, nous lui enverrons encore un petit morceau…

— Oui-dà !… un petit morceau, avait balbutié le pauvre homme… un petit morceau, et, s’il ne cède pas encore, que lui enverrez-vous le troisième jour ?

— Ah ! le troisième jour, dame ! je crois bien que tu pourras faire ta prière !… Mais il y a des chances pour que nous n’en soyons réduits, ni d’un côté ni de l’autre, à d’aussi fâcheuses extrémités.

Et, ma foi, c’est ce qu’avait fini par se dire le docteur… S’il pouvait sortir d’une telle aventure avec un petit doigt de moins, l’affaire lui paraissait magnifique.

Tout au fond, tout au fond de lui, il se disait encore que le gouvernement, né malin, pourrait toujours promettre à ces brigands la vie sauve. Après, on verrait bien… et il s’assit, patient, au pied de son arbre où il était attaché par la patte d’un nœud si mystérieux qu’il eût en vain cherché à en démêler le secret.

Et puis, il savait bien qu’au moindre mouvement suspect les Trois Frères seraient sur lui…

Élie, le premier, se redresse. Un coup d’œil au prisonnier, qui n’a pas bougé, assis dans l’herbe, appuyé au pied de son arbre. Puis il s’étire en bâillant. Mâchoire énorme. Dents magnifiques.

Le bâillement réveille les autres. Redressement des torses, mâchoires ouvertes, gueules de tigres.

— Oh ! oh ! grogne Hubert ; il se fait tard, la petite n’est pas revenue.

Et il n’en dit pas davantage, décrochant d’un geste brutal son couteau de chasse.