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BALAOO

décompte des voix avant d’aiguiser leurs couteaux pour le couper, lui, en morceaux et l’envoyer par la poste au Président de la République ! Quel spectacle ! Quelle perspective ! Est-ce qu’il n’y a pas de quoi, sans étonner personne, devenir gâteux sur l’heure !…

Bondissement inquiétant de Hubert sur ses piliers trapus.

— C’est pas tout ça. La petite n’est pas encore revenue !

— Le jour tombe, fait remarquer à son tour Élie, mais y a pas de pé (péril) ! S’il y avait du pé, Balaoo serait déjà là !…

— Ah ! v’ià un homme !… V’là un homme ! reprend l’enthousiaste Hubert.

— Tu devrais lui donner notre sœur en mariage, ricane Siméon, en se dressant sur ses pieds énormes et en se dandinant comme une sarrigue.

— Pourquoi pas ? fait Élie.

— Quand il voudra. À quand les « bans » ? fait Hubert.

— Je crois bien que la petite ne demanderait pas mieux, reprit Siméon en soufflant dans le canon de son fusil.

— Il n’est ni bossu ni bancal, et il n’a point des pieds de feignant, le citoyen ! déclare Élie, les yeux en coulisse vers ses frères.

— Il n’a pas besoin de montrer ses pieds à M. le Maire ! déclare Hubert, péremptoire, qui vide une gourde. C’est point avec les pieds qu’on jure de rendre une femme heureuse !

— Eh bien ! si tu veux, on lui en parlera la prochaine fois qu’on aura l’honneur de le recevoir à notre table ! émet Siméon.