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CHAPITRE VII

en attendant le second petit doigt


La nuit est venue sur la forêt. Il est entendu qu’on coupera le second petit doigt du docteur aux premiers feux de l’aurore et que Zoé le portera à M. le Préfet, à dix heures, heure convenue pour les résolutions du lendemain. Quand le Gouvernement verra avec quel empressement les Trois Frères découpent les docteurs en morceaux, certainement il s’empressera d’accorder à ces messieurs ce qu’ils demandent.

Ce n’est pas encore cette nuit-ci que le docteur dormira. Il a été averti de son sort et son angoisse est extrême. Il n’a voulu manger de rien. Du reste, il a la fièvre, ce qui est bien compréhensible, et il n’est qu’un petit tas de peur au pied de l’arbre, dans la nuit muette.

Cette clairière de Moabit n’était plus maintenant qu’un trou noir, terrible comme un antre, profonde comme un puits.

On ne savait jamais si les lianes sur lesquelles on mettait le pied n’allaient point s’enfoncer et vous engloutir pour toujours. Un simple tapis de mousse, dont on ne se méfie pas, pouvait être tout simplement le rideau jeté sur l’entrée à pic d’une carrière abandonnée depuis le commencement de l’histoire de France et où les Trois Frères rangeaient peut-être leurs économies et leurs provi-